Pour les Français qui l'ont connu, comme pour ceux qui le découvrent, que reste-t-il de Jacques Chirac ? Pendant près d'un demi-siècle, il aura arpenté les allées du pouvoir, de l'entourage de Georges Pompidou jusqu'à la magistrature suprême, et son cursus honorum aura rythmé la politique française au point de s'entrelacer avec elle. Parmi nos présidents successifs, il demeure l'un des plus populaires aux yeux des Français - il n'en fut pas toujours ainsi, pour un homme souvent brocardé et mal aimé jusque dans son propre camp. Alors que le bruit tonitruant du débat et des affaires s'est estompé, c'est un portrait complexe qui se dessine de Chirac. Celui d'un hussard de la politique, d'abord, à la carrière semée d'embûches, de trahisons et de victoires improbables. Celui aussi d'un humaniste, passionné par les arts et les civilisations lointaines. Celui, enfin, de l'homme d'Etat qu'il fut, dirigeant contesté mais gardien toujours attentif des valeurs républicaines et de la concorde nationale. Le début de la cohabitation est émaillé d’incidents opposant Chirac, soucieux de participer à la définition de la politique diplomatique et militaire de la France, à un Président bien décidé à rappeler sa prééminence dans ce domaine. On voit ainsi le Premier ministre s’imposer in extremis au G7 de Tokyo, au mois de mai 1986…mais rester au pied de l’estrade occupée par François Mitterrand lors de sa conférence de presse de clôture. Progressivement toutefois, un modus vivendi prend forme entre l’Élysée et Matignon, et la France parlera à deux voix – harmonieuses – pour la suite de la cohabitation, notamment lors des sommets européens. Le Premier ministre prendra ainsi une part active aux négociations européennes, à la normalisation des relations avec l’Iran et aux efforts en vue de la libération des ressortissants français retenus au Liban par le Hezbollah. Sur le plan intérieur en revanche, le chef de l’État prend soigneusement le contrepied de la politique de son Premier ministre. « Toujours prêt à se déclarer solidaire de ce qui pourrait contribuer à déstabiliser le gouvernement »16, il met sa stature morale et son rôle institutionnel d’arbitre au service de l’opposition et de tout ce que le pays compte de mécontents. À PROPOS DE L'AUTEUR Simon Laplace est diplômé de Sciences Po et de l’ESCP, ce haut-fonctionnaire passionné d’Histoire est également depuis avril 2014 Conseiller municipal délégué au Patrimoine historique. Il vit à Paris et a été un soutien actif de Bruno Le Maire durant les Primaires du parti Les Républicains en 2017.