"Avouons-le tout de suite, pour la vie en bio, nous étions plutôt mal partis et cette histoire n'aurait jamais commencé si nous n’étions pas anxieux et, surtout, quotidiennement engloutis sous les études en tous genres : dix-sept brocolis par mois, trente-sept minutes de sport quotidiennes et une poignée d’amandes, trois parties de jambes en l’air hebdomadaire et halte au dentifrice cancérigène et au papier d'alu ! Mais voilà, les études, scientifiques ou non, sont formelles et s’acharnent sur ma génération. Je me suis donc donné un an. Un an pour partir à la découverte de cette planète bio qui nous promet de vivre mieux, de vivre vieux, à grand renfort de cure détox et de superaliments. Un an pour convertir mon mari Lorenzo, et mes enfants, Valentina, 3 ans et Felipe, 1 an, aux légumes, au petit épeautre, aux laits végétaux, au tofu et, pourquoi pas, au tri, à la méditation et aux huiles essentielles. Je leur ferai avaler des noix du Brésil, de la spiruline et des graines de chia. Je fabriquerai mon propre savon et confectionnerai des biscuits aux châtaignes. Bref, un an pour expier et convertir toute la famille à ce que mon ami Pierre, dont je vous reparlerai, n’hésite pas à qualifier de nouvelle religion." Anne-Louise Sautreuil nous entraîne avec sa famille dans un marathon échevelé vers une vie plus saine. Elle tente absolument tout, du cours de naturopathie aux mono-diètes. Le récit de ses expériences, des plus réussies aux plus catastrophiques, nous guide sur les chemins parfois sinueux de la planète « bien-être » sans jamais donner de leçon. À chacun d’y puiser l’inspiration. Ce journal de bord désopilant, plein d’astuces, s’adresse autant aux néophytes qu’aux convertis et pourrait même séduire les sceptiques.
Anne-Louise nous amuse avec les réactions de ses enfants devant l'arbre de Noël bio – " pourquoi il est tout maigre, le sapin ? " – ou chez un boucher " c'est quoi, une saucisse, maman ? ". Lorenzo, lui, commente avec un humour décapant la nouvelle alimentation, le sacrifice de ses eaux de toilette ou la pose d'un patch anti-ondes sur son téléphone portable.
Si elle avoue avoir craqué plusieurs fois, se jetant avec gourmandise sur un chocolat chaud, des croissants et une cigarette, Anne-Louise termine son expérience sur une note résolument optimiste : oui, elle a trouvé un nouvel équilibre, ne souffle plus en montant trois marches d'escalier. Quant à Lorenzo, qui a perdu plus de dix kilos, il commence à apprécier sa nouvelle silhouette.
" J'ai adoré faire les marchés et les boutiques bios, conclut Anne-Louise, cuisiner des topinambours et des buddha bowls, faire du sport chez les militaires, j'ai ri de toutes ces découvertes plus improbables les unes que les autres, me soigner avec du thym et de la menthe poivrée, jouer les sorcières avec mes huiles et mes tisanes, me faire masser chez les Chinois ou chez les Tibétains, finir l'année à la plage, plus à l'aise, moins emballée que d'habitude dans mon paréo noir. Donc, Je garde. Pas tout. Pas les cosmétiques à la bave d'escargot, pas la méditation transcendantale, ni la mémoire de l'eau. Mais je garde. Je termine un verre de vin. Car à quoi bon vivre vieux si ce n'est pour les vacances en famille, entre copains, les dîners imprévus qui s'étirent jusque tard dans la nuit ? Je me dis que demain, on fera du yoga, on boira du thé vert et du Rooibos à la vanille. On ira courir sur la plage, au stage méditation. Je pourrais même fumer une cigarette sur cette terrasse, en hommage à cette belle nuit d'été. Quand soudain, de la table des enfants, bousculant le serveur et ses assiettes garnies de foie gras et de pain grillé, jaillit Valentina, survoltée : " Maman, pas vrai que les nuggets ce sont des fruits ? "
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