Le talent foulé aux pieds par la tromperie et la duplicité... Maintenant que la foule s’est dispersée, il ne reste plus grand monde dans le petit cimetière, qui retrouve enfin le calme nécessaire au recueillement de ma famille. Les persans sont des gens délicats et discrets. Ils le restent, même après avoir vécu en France pendant des décennies, et mes parents se seraient volontiers dispensés d’une affluence record pour les obsèques de leur fils unique. Mais non, mon enterrement a été couronné d’un véritable succès populaire ; pas une personnalité locale n’avait pour l’heure réuni une foule semblable dans la modeste ville des morts de La Rochefoucauld-en-Angoumois. Pour les afficionados de ce type de records, une mort violente, avant vingt ans, représente un atout majeur. La jeunesse et la soudaineté ajoutent toujours une nuance tragique au trépas. Sans vouloir faire d’esbroufe, je m’autorise à qualifier ma disparition brutale de choc. Pour ma famille bien évidemment, mais aussi pour le public fidèle qui suivait ma merveilleuse aventure d’artiste amateur en route pour la gloire. Sauf que j’ai eu droit à la fin tragique avant de réellement goûter au succès. De l’humour assaisonné d’un poil de cruauté, une réussite complète !